Divergences d'approche de conception du jeu vidéo (gameplay VS récit)
Les ludologues et les narratologues représentent deux approches opposées dans l’étude des jeux vidéo, axées sur des conceptions différentes de l’immersion et des priorités du médium ludique.
Les Narratologues
Les narratologues, souvent issus des sciences humaines, considèrent que les jeux vidéo sont avant tout des récits ou des histoires interactives. Ils analysent les jeux comme des œuvres littéraires ou filmiques, mettant l’accent sur la trame narrative (intrigue, personnages, progression). Selon eux :
L’immersion résulte de l’interaction avec cette trame narrative.
Tous les jeux, même ceux sans histoire apparente (comme le poker ou Tetris), peuvent être interprétés en termes narratifs.
Cette approche donne aux narratologues une légitimité académique, en s’appuyant sur des cadres structuralistes classiques.
Cependant, cette vision est critiquée pour sa tendance à imposer une grille d’analyse narrative rigide à des expériences interactives souvent plus dynamiques ou abstraites.
Les Ludologues
Les ludologues, en revanche, se concentrent sur les mécanismes de jeu : règles, interface, actions et gameplay. Ils considèrent que :
Les jeux ne doivent pas être réduits à des récits, car ils impliquent des dynamiques et des expériences fondamentalement différentes.
L’immersion provient du flow, un état d’engagement actif et optimal dans l’activité, plutôt que d’un abandon passif à une histoire.
Ils soulignent que l’interaction avec les mécaniques du jeu est ce qui définit la spécificité des jeux vidéo.
Cette approche met en avant la singularité du jeu en tant que médium, mais elle est parfois accusée de négliger les éléments narratifs et émotionnels qui enrichissent l’expérience.
La confrontation entre narratologues et ludologues a généré des débats académiques, parfois stériles, sur la définition même de l’immersion et du rôle de la narration dans les jeux.
Des voix modérées, comme celle de Janet H. Murray, proposent une vision complémentaire : les jeux et les récits partagent des éléments, sans qu’aucune des deux catégories ne puisse englober totalement l’autre. L’étude des jeux gagnerait à embrasser cette multidisciplinarité plutôt qu’à opposer les deux courants.
En pratique, les concepteurs de jeux poursuivent leurs efforts pour rendre les jeux immersifs, mêlant parfois narration et gameplay de manière innovante, au-delà des querelles théoriques.
[1] Allen Varney, L’immersion inexpliquée, sur PTGPTB.fr, https://ptgptb.fr/l-immersion-inexpliquee [Consulté le 26/11/24]